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          Je devais avoir environ sept ans à cette époque durant laquelle je passais la plupart de mes mercredis après-midi chez mes grands-parents. Ces temps me paraissent aujourd’hui bien lointains mais ils rejaillissent pourtant régulièrement dans ma mémoire en de brefs mais brusques instants de vie.
 

       C’est alors l’image de ma grand-mère qui me revient le plus facilement à l’esprit. Ah, je l’aimais ma grand-mère ! Ma mamie comme je l’appelais… ma mamie. Je l’aimais cette femme qui parlait en breton avec mon grand-père quand elle jugeait préférable que je ne comprenne pas quelque chose. Cette femme qui pouvait rester des heures, assise sur une chaise dans un coin de la cuisine, à me raconter les histoires de son enfance. Cette femme qui jouait avec moi au jeu de l’oie des après-midi entières sans que cessent cette lueur sur son visage pourtant marqué par la douleur des années et cette étincelle continuellement présente tout au fond de ses yeux bruns et sombres. Oui, je l’aimais et je la regardais insatiablement préparer le repas avec des gros yeux ronds émerveillés et écarquillés devant tant de vie… des yeux d’enfant pour tout dire. Des yeux d’enfant qui se souviennent encore de ces pommes qu’elle épluchait au-dessus de l’évier et qu’elle découpait en de fines lamelles avant de les disperser précautionneusement sur la pâte à tarte qu’elle avait soigneusement préparé auparavant. Alors elle me souriait et me faisait part de ses recettes secrètes et de ses astuces de grand-mère qu’elle seule connaissait. C’était d’ailleurs souvent le moment choisi par mon grand-père pour rentrer du jardin et débarquer dans la cuisine en bougonnant sans savoir vraiment pourquoi. Ma mamie levait alors l’espace d’un instant les yeux de son ouvrage pour m’offrir un regard que je n’oublierai sans doute jamais. Un regard rempli de courage, de malice, d’amour et de vie… presque un regard d’enfant. C’était le regard de ma grand-mère. C’était ma mamie. Et je l’aimais.
 
 
 
 
 
 

Yoyo l'Asticot